Bangkok à la sauce polonaise

J’ai fait un pas obligatoire dans la ville, autant tâtonner un peu plus loin. Jusqu’au bout de la rue. Jusqu’au canal. Les bateaux qui amènent au centre-ville ne sont pas si chers, pourquoi pas. Histoire de dire que j’ai vu au moins un temple.

J’ouvre mon Routard et choisis arbitrairement un endroit à 3 "icône-bonhomme-sac à dos" . 

En fait, ça veut dire 3 étoiles – t’as raté ta vie si tu passes à côté - mais à visée Voyageur (avec un grand V) privilégié qui sors des sentiers battus, affranchi du tourisme de masse.

C’est donc bien évidemment noyée dans… la masse que j’arrive à Wat Pho : mon premier temple asiatique qui, à défaut de me faire sentir privilégiée,  m’en met plein la vue. (Faut pas déconner non plus, je suis sortie déjà, je peux bien me permettre d’être la plus basique des touristes !)

J’y croise la route de Julia et Mateusz, un couple de cinéastes Polonais, artistes complets et complémentaires, à bon Goût. Ils ont un programme complet, réfléchi, structuré et je n’en ai même pas une ébauche. Parfait !

N’ayant peut-être pas osé le « Parfait… parfait… parle pour toi ! », ils me laissent embarquer à bord de leur traversée bangkokienne de 3 jours.

Je suis donc Julia et Mateusz, qui suivent leur programme :

Des temples, des bouddhas couchés, des cloches, des marches, des bouddhas, des moines, des bouddhas assis, des temples, des marches, un parc, des cloches, des bouddhas assis, des moines, des bouddhas, des gongs, des bouddhas debout, des rues-canal, des bouddhas, des bouddhas assis, des temples et des bouddhas.

Et quelques stands de rue de spécialités thaïlandaises pour épicer nos journées de visites.

Ah non, on a dit qu’on disait la vérité.

Je suis donc Julia et Mateusz, qui suivent leur VRAI programme :

Des stands de brochettes, du gingembre, des stands de calamars grillés, des marchés, des stands de « je sais pas ce que c’est », un temple, du basilic thaï, des woks, des stands de noix de coco, des stands de crevettes, des soupes thaïes tièdes qui donnent chaud, des stands de riz frit, des stands de « ça a l’air bon,  on tente ? », de la citronnelle, des bouddhas, un resto de poissons, des marchés, des stands de trucs épicés, des coconut icecreams à tomber.

Et quelques temples - bouddhas –cloches pour structurer nos journées de dégustation.

(Allez, la vérité est quelque part entre les deux)

Alors qu’on apprivoise l’inconnue Bangkok à la sauce polonaise, j’ai la surprise de tomber par un hasard complètement forcé sur Fabien, mon partenaire d’escalade, qui termine son voyage en Asie. Voilà de quoi ajouter une agréable pincée de familier dans le bouillon d’inconnu. Son regard amusé de routard expérimenté sur la voyageuse débutante ne manque évidemment pas de m’énerver, mais juste par principe. (Sale caractère… Tu me perdras !)

Bangkok m’a clairement prise par surprise par ses contrastes. Pour moi c’est là où se côtoient :

• Des chefs d’œuvres culinaires de rue et des rues en poubelles ;
• Des bouddhas alignés et des milliers de nœuds de fils électriques ;
• Un trafic interminable, des mototaxis et des transports fluviatiles efficaces ;
• Des noix de coco décapées à boire et de l’eau en bouteille ;
• Des temples démesurés et des mini-cabanons pieds dans l’eau ;
• Des horaires approximatifs et des murs à gravures immensément minutieuses ;
• Une culture en couverture de feuilles d’or et des tatouages pas chers ;
• Des massages de rue et le crépitement odorant des fritures ;
• Des quartiers d’affaires monstres et des façades kitchissismement asiatiques ;
• Des moines, des lady-boys et des étrangers à ultra-consommation démesurée ;
• Des taxis roses ;
• Et cette odeur de macadam chaud à la sauce soja.

Bangkok Nature est délicieuse et à déguster les yeux grands ouverts.

Mais si vous avez la chance d'y apporter la pointe d’épice polonaise... vous pouvez y aller les yeux fermés.